Mort de rire en rafale

Lundi soir, j'ai reçu un appel irréel de Catherine m'annonçant nonchalamment que dans deux heures son enfant serait né. Il y avait dans sa voix autant de sérénité que de stress prénatal, préparental, d'où l'étrangeté de l'appel. C'est une de ces choses dont l'expression doit être dure à gérer. Je l'imagine, alors que le téléphone sonne encore, se demander comment nous dire ça sans paraître trop paniquée, trop extatique, trop soulagée, trop confuse. J'ai trouvé son ton tout à fait approprié : "Allô William? Bon ben, dans deux heures, Henri va être né."

J'étais occupé à enregistrer une chanson qui n'avait pas encore de direction, et qui se fondait pas mal sur un riff répétitif, auquel j'espérais coller plusieurs morceaux, comme autant d'excroissances sur un petit arbre chétif, au gré de l'inspiration du moment. Les paroles n'étaient pas encore écrites quand le téléphone a sonné. Après avoir raccroché, comme un Lamartine frappé par les dieux de la création, c'est venu tout seul. L'image de ce garçon qui jouera dehors, qui fera des confitures au poison, qui courra plus vite que les chars (on entend presque "chats"... ce qui est plus probable dans le cas de ce garçon-là), je la traîne déjà depuis longtemps. Lundi soir, un petit roi Henri est venu me la raviver. En quelque sorte, j'ai voulu lui souhaiter la bienvenue. Voici ce que ç'a donné.


Colle les remords sur ta tête
(Monte le volume des malaises)
Quand le désordre t'embête
(Chante plus fort, ouvre la fenêtre)
Plisse les yeux, vers l'avant
(Fend l'air avec tes mains)
Place tes bras en forme de croix
(Cours plus vite que le temps)

L'horizon fait la fête
(Les gentils collaborent)
Cours plus vite que les chars
(Cours plus vite que le temps)
Fusillade de gravelle
(Confiture au poison)
Mort de rire en rafale
(Et la vie tourne en rond)