31.7.09

L’HORREUR (ou Comment, apparemment, chaque fois qu’on soulève un exemple de l’image de la femme-objet, un adolescent décroche et un homme se suicide)



J’ai perdu mon temps quelque peu hier à lire les 105 commentaires sur le site d’une Moquette coquette, intitulé jesuisfeministe.com. J’y étais allé quelques fois déjà et le contenu m’avait toujours plu pour son intelligence, et ses milles nuances. On y trouve certes du pamphlétaire, mais c’est rarement démagogique et ç’a toujours le mérite d’être instructif.

Par contre, je me suis réellement enfargé dans les commentaires du site hier soir, à cause d’une longue série de tirades masculinistes qu’un article dans La Presse aurait attirée. L’article d’Émilie Côté, sur la campagne publicitaire de Budweiser dont l’idyle pastorale semble une fois de plus rassembler le douchebag de service et la bimbo gonflable (on s’en prend ici à un imaginaire de camp de vacances pour évoquer chez l’homme québécois une enfance où tout était « don’ plus simple » et pour évoquer rien du tout, finalement, chez la femme québécoise) – l’article, donc, citait le blogue de Marianne. En fait, c’est Anne, au nom de Filles d’action, qui a référé le site de la moquette coquette à la journaliste de La Presse.

Enfin, il fallait peut-être pas s’attendre à de la grande rhétorique, mais j’ai été proprement scandalisé de voir à quel point ces extrémistes sont dangereux. À les voir s’infiltrer les uns après les autres, à coups d’énormités, de banalités, de démagogie, de misogynie et de pure misanthropie sur le blogue, je me suis souvenu à quel point on peut tous (hommes et femmes) être disgracieux. Des pseudonymes haineux comme « Butch Frudubatte » aux arguments fallacieux qui lient la cause féministe aux suicides masculins et au décrochage scolaire des garçons; j’ai tout lu, motivé par cette même curiosité morbide qui m’a déjà fait perdre des heures sur YouTube à vouloir trouver les images les plus graphiques d’accidents de voiture ou de skateboard. Et c’est vraiment l’horreur, il faut le dire. Ces mollusques de l’« injustice » n’essaient pas de convaincre qui que ce soit en se pointant sur des sites comme jesuisfeministe.com (j’ai fait une coquille tout à l’heure et ç’a donné « jesusfeministe.com », si ça n’existe pas, faut l’inventer). C’est de la pure intimidation, de la brutalité. Et ce qui est franchement choquant, c’est que même les plus articulés passent pour les pires paranoïaques. Quiconque aura étudié le maccarthysme, par exemple, reconnaîtra dans leur discours les clichés de la rhétorique parano/patriotique : l’exubérance, la vision tronquée des réalités sociopolitiques mondiales, les sauts du micro au macro pour illustrer la « cohérence » du propos. Dans les commentaires, on en voit un s’en prendre aux féministes en les liant indirectement à la montée en puissance des nations musulmanes et patriarcales, comme quoi elles devraient se contenter des « petites inégalités » bien de chez nous parce qu’elles ne savent pas ce qui les attend dans les prochaines décennies...

Bref, j’ai été grandement soulagé de voir, ce matin, que Marianne avait fermé les commentaires, mettant fin à la spirale de bassesses et d’insultes voilées. Voici ce qu'elle a dit en conclusion : « Merci d’avoir participé à cette discussion, de nous avoir dit ce qui est féministe et ce qui ne l’est pas. On va maintenant aller vivre nos vies parce que ça a l’air qu’il faut pas perdre son temps avec les pubs de bière. »

6 commentaires:

Anne a dit...

Je suis à la fois fascinée et effrayée de lire tant de haine sur le net. Les mascus, à l'opposé des groupes racistes ou homophobes, ont étonnamment bonne presse (ou, enfin, je remarque une certaine tolérance envers des propos haineux que je ne pourrais pas m'imaginer dans un autre contexte). Et ce qu'on peut lire sur jesuisfeministe n'est qu'une infime parcelle du discours. Y'a qu'à aller se promener sur Garscontent et autres blogues mascus de ce genre, ça vole pas haut. Je connais des filles qui ont été la cible des masculinistes : des textes écrits entièrement à leur sujet (avec leur nom complet), infiltration dans des lancements de livres, menaces de mort, ...

Je ne peux que vous conseiller fortement le livre de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, Le mouvement masculiniste au Québec (Remue-Ménage, 2008). Il y a des textes hyper intéressants sur le rapport au médium internet.

Unknown a dit...

Vos propos touchent de très près aux problématiques fémini-masculini-ste, et je les respectes d'ailleurs.

Moi le phénomène dont vous parlez m'inspire un long soupir face aux sections commentaires dans Internet en général, ou toute problématique est hachée menu par des extrémistes qui n'en sont même pas nécessairement (en tant que groupe organisé, avec une "mission"). Ça sert foutrement bien les intentions de ceux qui sont organisés, et en on une mission.

Je trouve cependant que cela nous donne un portrait plus fidèle que jamais, une carte en trois dimensions, ou plutôt un effrayant papyrus se déroulant sur une seule, de l'état et de la place de l'intellect dans notre civilisation. Les conséquences délétères, même si momentanées, à l'échelle de l'histoire, des nouvelles technologies se manifestent sous des angles tout à fait imprévus parfois. Mais la présence des sections commentaires peut tout de même être salutaire, car là se jouent des réalités dont il faut plus que jamais être conscient. Et si la situation empire, si les extrémistes gagnent du terrain dans des domaines qui nous sont chers, peut-être qu'Internet n'en est pas simplement la cause, mais un moyen nouveau à notre disposition de faire valoir des valeurs progressistes, par des chemins encore peu fréquentés par ceux qui ont quelque chose à dire, parce que ces chemins n'existaient tout simplement pas dans le passé.

Qu'en pensez vous?

Enfin, chaque fois que mes yeux se mettent à loucher après avoir lu 300 commentaires, le fixe me prend sur le commentaire suivant:
"Vous avez échoué votre cours de philo. Je vous prescris la lecture du Petit guide d'auto-défense intellectuelle. Revenez me voir dans une semaine."

Anonyme a dit...

Bon, lâchez-nous donc avec ça. Je viens de perdre une heure et demi à lire garscontent et hommes d'aujourd'hui. Wow! Le gars prétend que la «politique d'intervention en matière de violence conjugale» du gouvernement québécois est plus sexiste envers les hommes que Mein Kampf était raciste. Incroyable. Un point Goldwin dans le premier paragraphe! De la belle rhétorique de goret. Mais j'ai quand même un peu peur quand je lis ça...

Anne a dit...

Moi aussi j'ai peur Max (en passant, c'est Godwin, pas Goldwin) mais je ne peux même pas imaginer la réaction d'une fille que je connais, lorsque le crétin derrière garscontent avait mis sa photo sur son site web et l'injuriait directement et avec insistance. Come on... on parle de la pertinence des commentaires, mais il y a aussi toute cette zone grise, la merveilleuse technologie internet sans limite de censure...

Mais je voulais juste vous dire que je vous aimais et que c'est charmant d'être entourée d'hommes aussi équilibrés.

Pis qui en aille pas un qui dise une niaiserie parce que m'a y mettre mon poing dans face.

Marianne a dit...

Merci William pour ce texte. Ça fait du bien :)

William a dit...

@ Robin:
Oué, c'est fou comment Internet devient le lieu de tous les tatas. Le meilleur exemple, c'est sur YouTube. Apparemment, pour commenter sur YouTube, faut être un imbécile certifié.

@ Marianne:
Ben y'a pas de quoi! Je l'écrivais dans un commentaire sur votre blogue récemment (c'est sans doute comme ça que tu as trouvé ceci?...), je crois que les gens devraient moins répondre à ces morons et les exclure de tout échange sérieux... Il reste qu'un ou une de vos lecteurs/lectrices finit toujours par détruire en bonne et due forme l'argumentaire des bonshommes sans trop de difficulté, alors y'a espoir!