
J'ai découvert, via FFFFOUND, une série de portraits de criminels australiens, pris par la police de Sydney, tout à fait fascinants. À défaut d'en commenter la théâtralité comme le ferait Anne avec sa justesse et son élégance habituelles, je me sens le devoir de les aborder par l'entremise de la fiction - c'est trop esthétique pour servir de simples mugshots. Quelqu'un, en quelque part, s'est amusé.
Du coup, j'imagine le photographe habituel de la police de Sydney, disons un dénommé Clyde Stewart, quelque chose d'australien comme ça, se faire mordre par un serpent alors qu'il prenait des clichés d'aborigènes. Je vois ses sujets s'échanger des sourires moqueurs, se lancer des commentaires cyniques du genre "oh, ça doit faire mal, ça" en voyant cet homme blanc, descendant d'escrocs du vieux continent, s'évanouir au bout de quelques dizaines de minutes, succombant aux sueurs froides et au resserrement de gorge provoqués par le venin. Ils pointent le photographe en montrant aux derniers nés de la tribu les effets d'une morsure, ça devient une leçon de vie. Puis, j'imagine le magistrat de Sydney lancer un appel de candidatures pour remplacer le pauvre photographe désormais alité dans ce qui ressemble à l'aile psychiatrique d'un hôpital - je me dis que les hôpitaux de l'époque ne devaient pas être munis d'une "aile psychiatrique" à proprement parler, ici l'intervention on ne peut plus savante d'Anne serait justifiée, quitte à insérer dans l'extrapolation un aparté théorique, ça s'est déjà fait -, aux prises avec des accès de torpeur tantôt catatonique, tantôt violente.
Je vois un des candidats se démarquer par son flair artistique hors-pair. Sa série de portraits de banquiers et de familles de banquiers tombe dans l'oeil du superviseur chargé de l'évaluation des candidatures. Ce dernier affectionne particulièrement ce qu'on appelle encore les nouveaux arts visuels, collectionnant des daguerréotypes, des héliographies, des calotypes, des ambrotypes et des ferrotypes des quatre coins de l'Europe. En contemplant le flou poétique, la composition épurée et la spontanéité des clichés de ce candidat, le superviseur décide d'aller contre son instinct qui lui dit que l'art et la photographie scientifique ou policière ne doivent jamais être mêlés. Il offre le poste à l'artiste.
Dans les semaine qui suivent apparaît dans les registres de la police municipale une suite fascinante de diptyques à la fois tristes, pleins de vie et éloquents. Ces criminels, des folles de fonds de ruelles aux travelos prostitués en passant par les quelques dizaines de brigands de quartier, tissent la courtepointe d'une Sydney de l'ombre. Bientôt, après que les journaux aient refusé de publier un énième portrait sous prétexte qu'il était trop troublant, trop beau pour représenter le vice de la ville, le superviseur chargé de l'embauche de ce génie de la photographie policière se voit obligé de faire remplacer son protégé.
1 commentaire:
Si on considère que c'est le même "artiste", ça marche pas ta fable parce que les dates des clichés vont de 1920 à 1929, donc il est resté une bonne décennie au service de la police de Sydney.
Il y en a une qui est vraiment mongole, faut que je la mette sur Saint-Henri. Je suis bébérlué.
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