Every universe, our own included, begins in conversation. (p. 119)
La littérature impose parfois des drôles de postures. Dans The Amazing Adventures of Kavalier & Clay (en traduction chez 10/18, 2004), un roman qui traite de l'essor des bandes dessinées comics, de leurs superhéros et de leurs univers manichéens durant les années de la Seconde Guerre mondiale, l'auteur Michael Chabon n'arrive pas à esquiver le sujet de l'opposition entre la culture savante et la culture populaire. Par moments, on reconnaît ici le sempiternel discours voulant qu'on fasse abstraction des hiérarchies culturelles, qu'il est plus pragmatique, voire plus vrai de s'intéresser à tout en fonction des mêmes critères. On devrait pouvoir lire Safarir ou une BD de Spiderman avec le même regard et le même investissement que Guerre et paix et que le dernier Laferrière. C'est dire, en quelque sorte, que des détails comme la démarche de l'auteur, le travail formel, le langage, ne sont justement que des détails pour le lecteur.
D'autres moments, on soupçonne que c'est juste un clin d'oeil à la logique américaine du no-bullshit, what you see is what you get, en veux-tu, en v'là: plusieurs passages du roman m'ont fait penser à Inglorious Basterds de Tarantino, et au personnage de Brad Pitt qui est l'anti-James Bond, brutal, impoli, un peu con, mais mû par des principes inébranlables. Ce film de Tarantino, comme une grande quantité de produits de la culture populaire insistent sur une seule chose: quoiqu'en disent la science et l'expérience, le réel n'est pas si complexe.
Sam Clay, un des fondateurs de toute une franchise de personnages de bandes dessinées dans Kavalier & Clay, conçoit lui-même son art comme étant secondaire, et presque uniquement lucratif. Pourtant le narrateur ramène constamment la dichotomie sur la table, en faisant intervenir les Salvador Dali, Max Ernst et Roy Lichtenstein de ce monde. Là où ça devient troublant, c'est quand on constate que le roman de Chabon défend une sorte d'aplatissement culturel (parce qu'en Amérique, ce qui compte, apparemment, c'est de faire de l'argent), en dépit du fait qu'il ne correspond pas vraiment à un produit de consommation de masse.
Tout compte fait, aux États-Unis comme ailleurs, Chabon n'est pas le premier à exploiter la veine du récit rags to riches, et il ne sera certainement pas le dernier.
Incipits actualisés #1
Il y a 13 ans
2 commentaires:
J'espère que c'est pas ça qui va figurer sur la deuxième de couverture de la prochaine édition... les ventes vont pas être super bonnes.
Pis j'ai hâte que tu t'attaques à "them" de Oates.
Il s'en vient, "them". J'aime bien espacer les longs ouvrages avec quelques plaquettes, c'est meilleur pour le moral. Alors va falloir patienter un peu...
Il est sur ma tablette derrière l'ordi et il me fait de l'oeil en mautadine, par exemple.
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