Le passé est difficile d'accès. Mais lorsque vous décidez que le monde n'est plus magique mais plutôt technique; que tout peut être expliqué et le sera un jour; qu'il faudrait agencer les choses comme les pièces d'une machine ou plus tard des unités d'information dans un logiciel, est-ce même nécessaire d'affirmer que quelque chose a été perdu? (p. 65)
J'ai trouvé, grâce à Alexie, un parfait contrepoids à la pièce Chambre(s) d'Éric Jean, qui faisait l'objet de discussions à demi enflammées entre quelques amis, au mois de novembre dernier. Contrairement à l'oeuvre de Jean, où la liberté de l'intertexte permet de déclarer en toute innocence qu'on est à la fois Bret Easton Ellis, Salvador Dali, Armand Vaillancourt, Marie Calas, Molière et le Roi Lion, sur deux tounes du dernier Sigur Ros et un mash-up de "No Surprises" de Radiohead avec la piste vocale de "What a Wonderful World" de Louis Armstrong, sous prétexte qu'on veut générer de l'émotion; La famille se crée en copulant, de Jacob Wren (traduit au Quartanier, 2008 et chez Pedlar Press en version originale) nous émeut tout en nous proposant d'emblée de réfléchir aux rapports humains, à la politique, à l'art. Et ce en pigeant autant chez Nietzsche que chez Belle & Sebastian.
Il existe un phénomène assez récent faisant de l'art un objet autoréflexif (donc cérébral) tout en ayant comme but premier d'émouvoir son lecteur/spectateur. Or, ça devient paradoxal parce que l'émotion recherchée est souvent imprécise tandis que les effets de l'autoréflexivité (des mises en abîmes, de l'intertexte, de l'intermédialité, etc.) appellent plus souvent qu'autrement des idées poussées, donc assez précises. Ici, Wren réussit parce qu'à la différence de bien des efforts semblables, il offre un contenu concentré: le discours pessimiste et obsessif d'un complotiste qui loue une chambre dans une famille des plus "normale". On en retient tout de même une impression très floue d'émerveillement qui laisse croire que l'auteur a atteint son objectif.
Incipits actualisés #1
Il y a 13 ans
1 commentaire:
Ce livre là, il est magique. J'y pense et je comprends pas encore pourquoi exactement ça me touche tant qu'il ait une putain de fourgonnette blanche. Avoir des frissons parce qu'il y a une fourgonnette blanche comme dans le plus mauvais des films d'espionages.
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