10.3.10

Baleine


Des récits insoupçonnés se cachent parmi nous. Il s’agit de les extraire du sol et de les polir quelque peu pour qu’ils deviennent des diamants indigènes. Claudette Vaillancourt passe la majeure partie de sa semi-retraite à la pataugeoire municipale de Granby, sur la rue Cowie, pour surveiller ses petits-enfants qui habitent tous le quartier. Elle m’a conté une histoire qui me hante dans la nuit et me fait rêver. Alors qu’il travaillait dans un camping aux Petites Bergeronnes, son neveu a rencontré toutes sortes de gens. Il a connu un homme de la région qui travaillait comme réparateur de bateaux. L’homme entend un jour sur le radio de son garage à la marina de Tadoussac un appel à l’aide en provenance d’un bateau qui se trouve au large. L’appel concerne une baleine à bosse qui est prise dans le cordage de cages à crabes. Avec une douzaine d’amis plongeurs, il décide de se rendre sur les lieux pour aider la baleine. Comme de raison, la baleine trace une sorte de virgule juste à la surface de l’eau : sa queue est tirée vers le fond par une boule d’amas de cage quelques mètres plus bas, elle ressemble à un point d’interrogation. Ils mettent leur équipement de plongée et sautent à l’eau, armés de couteaux et de canifs, mais dès qu’ils approchent la baleine, elle les repousse avec ses nageoires. Deux gros panneaux de six pieds qui frappent la surface. Finalement, ils réussissent à l’approcher tranquillement et ils commencent à couper les cordages qui lui serrent la peau. Parfois, c’est tellement serré qu’ils doivent planter leur couteau dans le cuir caoutchouteux de la baleine pour arriver à couper quelque chose. Mais l’animal ne bronche pas, il est occupé à regarder l’ami du neveu de Claudette, qui s’occupe des cordes près de ses yeux. C’est une expérience surnaturelle. L’œil de la baleine – une petite boule de bowling – le suit dans tous ses mouvements. Ça dure une vingtaine de minutes, ils coupent tout et, quand la baleine est libérée, elle disparaît automatiquement vers le fond. Les amis se rejoignent à la surface, ôtent leurs masques et se donnent des high-fives et se racontent leur version de l’expérience quand l’ami sent une présence sous lui. Il regarde et voit la baleine foncer, à la verticale, droit vers lui. Son cœur s’arrête de battre : un autobus marin s’apprête à le happer par en-dessous. Mais, juste au moment de toucher ses palmes, l’animal géant ralentit et longe le corps de l’ami, toujours verticalement. La baleine, ensuite, fait quelque chose d’incroyablement humain, ou d’incroyablement bouleversant : elle l’entoure avec ses bras comme si elle lui donnait une caresse. Elle reste comme ça pendant quelques secondes, tandis que les autres plongeurs sont tétanisés, silence total, bouches ouvertes, masques embués, puis elle retombe vers le fond et, quelques instants plus tard, elle refait la même manœuvre avec les autres plongeurs à côté. Ils sont subjugués : la baleine leur dit-elle « merci »? Elle donne une caresse à chaque plongeur puis disparaît pour vrai dans les profondeurs de l’eau.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Il s'en fallut de peu pour qu'ils ne passent au cash à l'eau (cachalot).

Vous comprendrez pourquoi je demeure anonyme...

Steed Colliss a dit...

Pataugeoire municipale rue Cowie ? La piscine Horner ? Je préférais celle du parc Avery, pas loin du zoo...