17.4.10

Souvenir d'enfance aigre-piquant (Anne)

Alexie fabrique des condoms dans une clôture Frost
Philippe souille l'âme de son frère
Daniel pense devoir fourrer, mais finalement non
Simon pète une yeule en sang
Émilie s'écarte les pattes à St-Vianney


Fleurimont, hiver 1995. J'ai 10 ans et demi, je débute un traitement d'orthodontie, j'ai un gros toupet, des bras trop grands et des jambes maigres. Caroline Lamarre, ma meilleure amie qui habite en diagonale, ma best friend for ever and ever and more, ma jumelle cosmique de gros toupet laitte, vient coucher à la maison. Party. Elle m'a enregistré le Top 10 de CIMO 106 sur une cassette, on l'écoute en hochant la tête dans ma chambre. Caroline et moi, on se comprend, on aime les mêmes affaires et on est d'accord sur tout. Quand on joue à la bouteille chez Stéphanie Desrochers, ni elle et moi ne voulons frencher avec la langue. On s'est mise d'accord là-dessus. On se limite aux becs sur la bouche, pis c'est correct de même.

Après le souper, ma mère nous demande si l'une de nous deux veut prendre un bain. On répond « oui » en même temps (jumelles cosmiques, je vous l'ai dit) et je me dirige vers la salle de bain pour donner une serviette à Caroline. Là, y'a un petit malaise. Est-ce qu'elle veut prendre un bain avec moi? Je l'ai souvent fait avec ma cousine Anika. Mais Anika, justement, c'est ma cousine. Je prenais souvent mon bain avec mon frère avant, mais les dernières fois, on a mis notre costume de bain parce qu'on était un peu gênés... Peut-être que Caroline, ça la gêne pas. Après tout, on est des best friend for ever and ever and more. Et bon, on en parle souvent de nos amies qui veulent vieillir trop vite et qui refusent d'être encore des enfants de 10 ans, c'est pas comme si on était des ados, c'est pas comme si on avait des boules, c'est pas comme si on était MENSTRUÉES, c'est pas comme... Fuck, Caroline a enlevé son chandail, elle porte juste un petit top de chez Clément, et elle fait comme si de rien était. Ok... je veux surtout pas décevoir ma meilleure amie, alors je fais la même chose. J'ouvre le robinet et on attend, en bobettes, que le bain se remplisse. Sans parler. Je mets beaucoup de mousse. On s'assoit dans le bain, face à face. Je veux surtout pas la regarder, pis en même temps je suis incapable de ne pas le faire.
Caroline a, tout à coup, l'air aussi gênée que moi.
-Nos seins sont pareils. C'est pas comme vraiment des seins encore, hein?
-Non, que je glousse en prenant le savon à côté de moi.
-…
-…
J'ai pas envie de me savonner pantoute.
-De toute façon, j'étais pas ben ben sale.
J'enlève le bouchon. Je sors du bain et je prends une serviette.

Nous n'avons jamais reparlé de la chose. De cette époque, je conserve surtout ce profond malaise de marcher sur la mince ligne qui sépare l'enfance et le début de l'adolescence.

3 commentaires:

Clarence L'inspecteur a dit...

Une chance que j'étais pas dans le coin pour jouer à la bouteille avec vous autres... Je vous aurais scrapé la face avec ma langue en twist'n'serve.

Anne a dit...

Surtout que quand t'avais 12 ans, j'en avais 7. Garde-la dans ta bouche, vieux cochon.

Francis a dit...

Vous étiez riches à vous habiller chez Clément!