16.7.10

Sioux Ghost Dance

Sioux Ghost Dance, W.K.L Dickson, 1894.

Dix-sept Indiens alignés sur deux rangs, en vêtements de cérémonie et le visage peint. La scène, sans profondeur, sans ombre, est un mouvement chaotique de corps, un grand bruit qui s'anime quelques secondes après que l'opérateur ait commencé à faire défiler la pellicule. Les membres en ondulations prennent d'assaut le cadre, le saturent peu à peu complètement.

À la base, la Sioux Ghost Dance constitue une commémoration de la défaite de 1680 contre les occupants espagnols. Une danse guerrière qu'on remet en scène, sous différentes formes, pendant deux siècles. C'est donc d'abord d'un point de vue ethnographique que Dickson, sous les instructions d'Edison, enregistrera en studio le mouvement des Indiens.

Mais ce n'est pas tout. La Sioux Ghost Dance est beaucoup plus qu'un film d'une vingtaine de secondes qui ne ferait qu'exhiber – comme le feront au même moment les cirques ambulants et les grandes expositions universelles – une certaine conception de l'exotisme. Ce que donne à voir Dickson, ici, c'est d'abord le pouvoir de l'homme blanc qui pointe sa caméra vers le sauvage. Qui met en scène sur demande.

« L'opération cinématographique apparaît (…) comme un moyen de domestiquer l'énergie et d'aliéner les corps, et le document filmique comme la version moderne des spectacles de cirque où ce ne sont plus des hommes ou des animaux mais leur image que l'on exhibe. » (Philippe-Alain Michaud, Aby Warburg et l'image en mouvement, 63)

Ces corps qui s'agitent avec fracas me semblent également être la trace d'une survivance, d'une apparition spectrale. Ils rappellent avant tout une disparition, un génocide. Bien au-delà du film documentaire, ces dix-sept danseurs témoignent d'une réalité qui a déjà cessé d'exister au moment de l'enregistrement. Qu'on rejoue pour le plaisir du spectacle. Sur pellicule, la danse des esprits suscite un certain intérêt pour les bourgeois qui accepteront de payer 5 centimes pour voir des corps s'animer sur écran. C'est bien là l'expérience de l'image, ce monstre qui grouille derrière ces représentations banales d'un folklore étrange.

6 commentaires:

William a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
William a dit...

C'est fascinant! On les voit réellement fondre l'un dans l'autre.

Spooky!

Anne a dit...

Tu es un fin observateur jeune homme : Edison profite du passage à Brooklyn du Buffalo Bill Show pour filmer des aborigènes!

Anne a dit...

Pourquoi t'as effacé le premier commentaire?

William a dit...

Ben parce que je l'ai écrit avant que tu postes ton texte (on voyait juste la vidéo, ce midi) et j'avais l'air de te piquer tes idées... Je disais grosso modo les mêmes affaires mais de façon beaucoup plus grossière et approximative (comme d'habitude).

Je faisais toutefois remarquer qu'en bas à gauche, on pouvait lire "Buffalo Bill" et que ça faisait donc probablement partie du "cirque" de Buffalo Bill.

Anonyme a dit...

Allô Anne!
Si tu travailles sur la représentation des autochtones par la photo et le cinéma, j'ai une foule de références à te proposer.

max