ÉTERNITÉ FEUILLAGE COSMOS (TATOUAGE CHINOIS)

(Extrait)

– Elle fait semblant de ne pas regarder, mais Jacques est convaincu qu’elle le scruterait de haut en bas, à l’endroit à l’envers, si elle avait une télécommande qui peut geler le temps.
– Comme dans, euh. Maudit, j’ai oublié le nom du film. Avec Adam Sandler.
– Elle a une main sur la barre latérale du wagon et elle fait l’innocente. Mais, Jacques est pas cave. Jacques le sait qu’elle est pâmée, intérieurement.
– Ben oui, mon Jacques. Tu le sais, on le sait, elle le sait. C’est une orgie de savoir.
– Si elle avait une télécommande spéciale qui peut faire « pause », « play », « avance », « recule », mettre des sous-titres, changer de poste, baisser le son.
– Arrête don’, toi.
– Voulez-vous ben le laisser parler?
– Qu’est-ce que ça donne, anyway? C’est toujours la même affaire : Jacques vient, Jacques voit, Jacques vainc.
– Elle s’est même pas assise quand la place s’est libérée devant lui. C’est un signe, ça.
– Ça ment pas.
– Jacques voit, Jacques vient, Jacques s’essuie.
– Pis Jacques recommence!
– En tout cas, pas tout de suite. Plus tard, elle s’est assise pour laisser à Jacques la chance de la regarder drète dans le décolleté.
– Bang!
– Deux gros coussins dodus.
– Deux christie de gros morceaux de gras de poulet magnifiés, amplifiés.
– Brassière paddée.
– Mais Jacques s’en laisse pas montrer. Il a les yeux rivés sur son propre reflet dans la vitre du wagon, en les glissant subtilement vers la fille quand le train s’arrête.
– Classique.
– C’est une tactique qu’il a développée exprès pour les voyages en métro : le balai. Il fait un panorama du wagon et ça lui permet de la regarder deux fois, une première fois en allant de gauche à droite, une autre en revenant.