5.8.07

Bona Dussault et les Duplessix (extrait)



Albertus Poulin est né sur la rive rocailleuse du lac Selby à Dunham, un soir de canicule, devant une dizaine de sans-abri.

En 1953, Bona Dussault, ministre des affaires municipales – avant le remaniement de 1954 où il allait être remplacé par un jeune Yves Prévost, «le plus grand licheux de brun à jamais sortir de Danville» de dire Dussault, son compatriote danvillois. Donc, Bona Dussault, en 1953, a mis sur pied un plan de nettoyage des villes et villages. Les bums, robineux, clochards, itinérants, gitans, Gilles-à-flanelle, hobos, mendiants, quêteux, errants, poètes, flûtistes, peintres, littératés, curés de coins de rues, slackers, ceintures-molles, poils-à-trottoirs, poils-à-wagons, poils-à-poubelles, mouettes, crevettes, vautours, vagabonds, vaut-rien, bouffe-à-rat, bouffe-à-pigeon, bouffe-à-scorbut, alcooliques, schizophréniques, psychotiques, sodomites, tuberculeux, amputés, maganés; D’Amos à Laval, de Saint-Isidore à Rouyn, à Victoriaville à Wickham à Weedon à Waterloo; on les plaçait tous en centres. De concert avec des poids lourds du gouvernement Duplessis – Hey! Hey! Mesdames! Directement de Dixieland, PQ! Antonio Barrette à la batterie! Joseph-Damase «Joda» Bégin à la contrebasse! Albiny Paquette au sax alto! Ti-Paul Sauvé au banjo! Onésime Gagnon à l’orgue! et Camille Pouliot à la trompette! Mesdames! Messieurs! Les Du...plè...siiix! –, Bona Dussault avait fait construire une dizaine de centres spécialisés dans toute la province. Les centres Bona-Bona faisaient tous quatre hectares de superficie, avec des clôtures de vingt pieds de haut, et des baraques de trente pieds de large par cent cinquante de long. Chaque centre était conçu pour accueillir de cent cinquante à deux cent personnes. Le plan avait pour but de débarrasser les villes et villages québécois de leurs sangsues à trottoirs, en les expédiant dans des camps à thématiques de pourvoiries coloniales. Des camps de vacances où les résidants étaient appelés à couper des arbres l’avant-midi, pour en planter d’autres l’après-midi; à faire inventaire après inventaire des ustensiles dans les baraques; à chasser du gibier déjà mort, souvent déjà à moitié dépecé, cloué sur un tronc d’arbre.

En 1954, le centre Bona-Bona de Dunham a ouvert ses portes à la cinquantaine de sans-abri de la région de Brome-Mississquoi. Ils étaient quarante-deux hommes, et huit femmes, dont deux âgées de plus de soixante ans. En bordure du lac Selby, le centre était voisin de la propriété des Poulin.

Aucun commentaire: