13.5.08

Death Cab, Kerouac et la road music

Ils me font rire eux autres, chez Atlantic Records, à essayer de me vendre une sonnerie pour me remercier d'avoir acheté Narrow Stairs, le nouvel album de Death Cab For Cutie. C'est du moins ce que dit le petit tract glissé dans la pochette. Quand tu fais partie d'un groupe qui attire un minimum de jeunes indie-rockeurs et indie-rockeuses à pantalons serrés, chaussures vintage, t-shirts rayés, coiffure excentrique, lunettes weird, et que ton succès t'embarque sur un gros label comme Warner Music, ils essaient de vendre des sonneries de cellulaires avec tes albums. Personnellement, je trouve que c'est montrer très peu de gratitude de leur part. J'aurais pu me le télécharger, cet album. Mais, non, je l'ai acheté. Et ils essayent encore de faire de l'argent avec moi...

Sinon, l'album confirme mon impression déjà forte concernant le son de DCFC: C'est de la road music. J'avais lu plusieurs critiques qui parlaient d'un virage rock. Bof, pas tant que ça. C'est certainement plus organique, plus live -- ils l'ont d'ailleurs enregistré dans cet esprit de spontanéité, et on va y revenir -- mais pas rock plus qu'il ne le faut. Ça se distorsionne à quelques endroits, et la première toune rocke carrément, oui. Mais, de là à dire que le groupe a maintenant délaissé son piano plus atmosphérique. Pas tant que ça. Par-dessus tout, je répète que cet album s'écoute en voiture, sur la route, idéalement le genre de route longeant un flanc de montagne, légèrement sinueux -- disons celle qui pénètre le Franconia Notch au New Hampshire, ou la 10 entre Waterloo et Magog.


Dans son article pour Paste magazine, le chanteur Ben Gibbard raconte comment il s'est exilé à Big Sur, et a dormi dans la même chambre que nul autre que le Pape des Beats. Il avoue s'être beaucoup inspiré de Kerouac à bien des niveaux. Il parle aussi de l'album qui lui paraît comme une éternelle descente. On n'a qu'à regarder le clip du single "I Will Possess Your Heart" pour comprendre : ça descend, ça voyage, ça bouge en tout cas.

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J'avais envie de faire une longue affaire sur la road music ("Voyager" de Jean Leloup en est un très bon exemple; l'album Devils & Dust de Bruce Springsteen; je me risquerais même à dire que les trois albums d'Arcade Fire correspondent au genre, The Strokes aussi, M. Ward par moments; y'en a plein, nommez-en, vous aussi, à la maison), comment ça marche (un strumming de guitare, idéalement) mais j'ai été arrêté par un extrait de l'article de Gibbard :

"If you tell certain people that you like Kerouac, they assume that’s all you read, like you don’t know anything else about literature."

Ostie que c'est vrai, il y a chez le lecteur de Kerouac une aura étrange. À toutes les fois que j'ai vu quelqu'un lire du Kerouac dans le Métro, dans un parc, n'importe où, il m'est venu ce jugement gros comme le bras. Elle doit être en sciences politiques; il doit aller au cégep du Vieux. Mais, j'en lis, moi aussi! Je travaille actuellement en partie sur On the Road pour mon mémoire, j'ai écris un article dessus dans Postures. Ce qui se passe, c'est que Kerouac a le malheur d'être à mi-chemin entre une lecture littéraire et une lecture plus populaire. Il entre malgré lui dans cette catégorie d'auteurs habituellement lus au cégep: John Irving, John Steinbeck, Boris Vian, Agota Kristof, (name-dropping, name-dropping, name-dropping) etc. De bons auteurs, d'un certain standing littéraire, qui se trouvent à avoir rejoint un certain grand public. Et puis, Kerouac, il n'est pas que le Pape des Beats, il est le père des Beatniks, et surtout, le grand-papa alcolo des hippies. On a affaire à un personnage mythique, qui dépasse peut-être l'oeuvre, dans l'imaginaire populaire. Alors, voilà pour l'étiquette du lecteur Kérouaquien.

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Sinon, pour revenir à Death Cab, en citant mon ami Gabriel Meunier, ça ne m'a pas jeté en bas de mon cul. Ç'a de quoi de beat dans la spontanéité des arrangements (j'ai lu que le moment dans "I Will Possess Your Heart" où la bass arrête, et où on n'entend que le chanteur et son piano, au début de la partie chantée, s'est produit par erreur, alors que le fil du bassiste s'est débranché durant l'enregistrement), et ça donne le goût de partir sur la route. Il y a peut-être un petit manque de cohésion entre les morceaux, par rapport, mettons, à Plans, qui est un peu plus complet. Mais ça s'écoute très bien. De toute façon, d'habitude, un album qui me laisse songeur au début finit par me gagner à l'usure.

1 commentaire:

Steed Colliss a dit...

Pour la route : "Home" de Marc Broussard...