6.5.08

FÉTICHISME

On entend souvent parler de l'éventuelle disparition du livre, de comment l'objet sera éclipsé par un produit électronique quelconque. On voit la même chose se produire avec la musique et les mp3. Je ne cherche pas tant que ça à contribuer au débat du livre-électronique, seulement, je pense que la matérialisation du livre produit des chefs-d'oeuvres. Et j'ai eu envie de publier ici quelques-uns de mes favoris.


Robert Coover, The Universal Baseball Association, Inc. J. Henry Waugh, Prop., Plume Books, New York, 1968.


L'illustrateur n'est pas nommé mais, juste en-dessous du dessin de la couverture, on voit les initiales "HB", comme sur les crayons de bois. Comme quoi le HB de tout notre parcours scolaire avant la cinquième année, où on a découvert le pousse-mine, ne faisait pas seulement des crayons. Il faisait aussi des couvertures de livres.

Ça me fait penser au fait qu'il y avait un petit gars dans ma classe de deuxième année qui s'appelait Kevin Ashby, qu'on prononçait tous "Kaïvune Ashbeuhé" -- on prenait tous l'accent de Québec, pour une raison inconnue. J'ai toujours pensé que Ashby s'écrivait "HB". Comme les crayons. Et j'ai longtemps pensé que le "HB" que je lisais sur mon crayon de plomb était un nom de famille.


William Faulkner, The Portable Faulkner, ed. Malcolm Cowley, The Viking Press, New York, 1964.

La maison d'édition américaine Viking Press produit généralement de très beaux livres, comme celui-ci qui a été mon premier livre de cette époque dans les années soixante où on imprimait les couvertures sur du carton mat. L'effet est tellement sympathique. J'en ai au moins deux autres comme ça.

Ce recueil de nouvelles et d'extraits de romans de Faulkner, choisis par Malcolm Cowley, a largement contribué à faire de l'auteur américain un incontournable. Sa popularité s'est accrue tout juste après la première publication en 1946, de ce recueil. La couverture est faite par un certain David November -- un nom crissement romanesque, vous trouvez pas? Et son portrait de Faulkner est assez cool. D'ailleurs, pour un autre beau portrait de Faulkner dans sa période hollywoodienne, le film des frères Coen, Barton Fink, en offre un excellent.

Aussi, ma copie a des marques de crayon feutre qui s'agencent parfaitement avec le dessin, faisant en sorte que j'ai toujours l'impression que le dessin au complet a été fait par l'ancien propriétaire du livre, avant que je l'achète usagé, plutôt que par David November. L'illusion est quand même spéciale.

Malcolm Cowley, The Literary Situation, The Viking Press, New York, 1958.

Une autre merveille de Viking Press, cette fois-ci par Raphael Bugoslav, et encore avec Cowley (qui a édité le recueil de Faulkner). Celui-ci a dans un coin à gauche en bas, un prix d'imprimé. 1,45$ au Canada. Bâtard, et moi je l'ai payé 3$ usagé.

C'est une des raisons pourquoi j'aime garder l'étiquette de prix sur les livres neufs que j'achète. Le prix des livres marque une distance historique. J'ai juste pas hâte de faire le saut quand je vais voir une étiquette de 15$ en me disant que c'est pas cher.


John Dos Passos, Nineteen Nineteen, Washington Square Press, New York, 1961.

Celui-là, c'est ma dernière acquisition -- avec le Coover qu'on voit plus bas, dans les pires. Ça ne paraît pas vraiment sur la photo, mais il est plus petit que la plupart des formats poche, d'au moins un centimètre. Les illustrations sur la couverture et dans le livre sont faites par Reginald Marsh, un peintre réaliste américain. Encore une fois, la couverture en carton mat donne une idée invitante de confort. C'est dans ma tête.


Ernest Hemingway, The Sun Also Rises, Charles Scribner's Sons, New York, 1970.

C'est drôle, on dirait que le découpage est bâclé. Le tableau est de James et Ruth McCrea -- ça doit pas être évident de peindre à deux, surtout sur un si petit format.

Parmi ces livres, il y en a quelques-uns qui appartenaient à ma mère quand elle étudiait en lettres. Ça donne lieu à des instants cocasses quand je découvre que tel livre lui avait été offert par un ancien chum, qui lui a laissé un message sympathique frôlant l'allusion amoureuse. C'est cute et j'ai aucun problème avec ça, seulement je prend toujours automatiquement le bord de mon père là-dedans. Tiens, v'là tu pas une observation oedipienne pour vous: Les ex de ta mère sont comme les ex de ta blonde, tu t'en calisses, tu veux pas le savoir.


Gaston Miron, L'homme rapaillé, Les Presses de l'Université de Montréal, Montréal, 1970.

Jolie esthétique fin sixties, début seventies. C'est une des seules éditions originales que je possède.


Thomas Pynchon, Gravity's Rainbow, Bantam Books, New York, 1974.

Voici une des rares occasions où le doré donne un beau résultat: dans les années soixante-dix. Je ne suis pas certain à quelle époque ç'a commencé, mais les éditions américaines, surtout en paperback, ont souvent des extraits de critiques élogieuses imprimées directement sur la couverture. C'est crissement fatigant. Et, apparemment, c'est propre à l'édition américaine. Souvent, on trouve aussi dans les trois ou quatre premières pages, d'autres éloges de critiques.

Je me souviens d'avoir ouvert pour la première fois ma copie de The World According to Garp , de John Irving, et d'avoir lu les critiques en me demandant si ce n'était pas de la parodie, tellement les extraits choisis étaient dithyrambiques. Celle sur la couverture du roman de Pynchon ne donne pas sa place non plus : "The most important work of fiction yet produced by any living writer." Wow.

Pour ceux que ça intéresse, ce roman met en scène un lieutenant américain durant la deuxième Guerre Mondiale, qui a, bien malgré lui, une érection à chaque fois que les Allemands lancent un missile. Il peut donc prédire les attaques aériennes des Allemands avec son pénis. Ça mérite quand même une couverture gold.


Mordecai Richler, The Apprenticeship of Duddy Kravitz, McClelland and Stewart Limited, Toronto, 1969.

Beau livre, beau choix de couleur, rien à ajouter.

John Steinbeck, Travels With Charley, Penguin Books, New York, 1980.

Cette couverture n'a rien d'extraordinaire -- à part un poodle qui fixe l'horizon sous un ciel multicolore. Par-dessus tout, elle m'impressionne par ses couleurs. On n'ose plus autant, aujourd'hui.

J'ai acheté ce livre en partie parce qu'à l'intérieur, il y a un message écrit à la main qui va comme suit :

Washington D.C.
August 1983.

Pour France,
Fidèle compagne de plusieurs expéditions, et la meilleure conductrice sur le New Jersey Turnpike!

La co-pilote,
Bernadette

J'en déduis que j'ai en ma possession un livre précieux, en tout cas au moins pour deux personnes. Et puis, c'est vrai que ce récit de voyage est parfait pour quiconque souhaite traverser les États-Unis.



Saul Bellow, Dangling Man, Penguin Books, London, 1963.

Le maison d'édition Penguin fait aussi de jolies couvertures, dont celle-ci et la précédente.

1 commentaire:

Steed Colliss a dit...

Viking faisait aussi de très beaux covers de James Bond...