26.1.09

I Am My Mother’s Only One. It’s Enough.



L’album For Emma, Forever Ago de Bon Iver s’amorce sur cette affirmation dont on ne saisit pas d’emblée le sens - mais qui ouvre certainement le coeur, en début d'écoute. Bijoux intimistes, les chansons de l’album commencent toutes sur un léger fade-in qui donne l’impression qu’on s’approche des musiciens, qu’on entre dans la pièce au moment même où ils affrontent un nouveau morceau – comme cet extrait des merveilleux Concerts à emporter. Ça doit faire trois mois que j’en entends parler, de ce groupe mené par une guitare un peu obscure, un jeu minimaliste et une stratification vocale qui fait trembler, tellement elle est saisissante. De l’aveu de Justin Vernon, l’œuvre sortie en février 2008 (quand même, j’accuse encore une fois tout un retard) découle d’un tour du chapeau de mauvaises passes : son ancient groupe DeYarmond Edison s’est séparé, il a quitté sa copine et il a attrapé une mono. Mautadine. Il en ressortira une série de chansons qui ressemblent à autant de pièces mal isolées d’un chalet dans le bois, en plein hiver. Le nom du groupe vient d’ailleurs d’une expression en français que les personnages de la série Northern Exposure, située en Alaska dans les années 90, prononçaient quand il neigeait : « Bon hiver. » (Il faut donc prononcer « Bon Iver » comme tel) Depuis qu’Alexie m’a fait entendre cette musique, il n’y a pas un matin qui passe sans que je n’écoute l’album au complet. Rédaction, café chaud, chemise carreautée, bas de laine et pantouffles blé-d’Inde, la couche de neige qui s’accumule sur le cadre extérieur de ma fenêtre : pour tout dire, Bon Iver est semblable à cette grosse couverte de laine grise qu’on a dans le salon. Elle est pesante, dense, chaleureuse, confortable ; elle n’est en fait qu’un lainage tricoté serré, tout simple. Le falsetto de Justin Vernon, effeuillé en une chorale folk-gospel de sous-sol, est tellement riche et puissant qu’on s’étonne qu’il n’y ait jamais plus que quatre instruments sur tout l’album pour l’accompagner.

En enregistrant les chansons de mon album eatyourheartout, j’ai tenté de me concentrer sur un son d’ensemble, de faire de cet objet un tout, plutôt qu’un ramassis de mes quelques compositions préférées. Comme le dernier Sigur Ròs, le dernier Beirut, Our Endless Numbered Days d’Iron & Wine, ou n’importe quel album de Sufjan Stevens, For Emma, Forever Ago définit avec poésie l'album-concept : une recherche esthétique, sonore.

3 commentaires:

Alexie M a dit...

Je l'ai écouté avec mon ipod, dans le bus Montréal Sherbrooke, entre Iberville et Saint-Étienne-de-Bolton, en dormant presque : vraiment parfait.

Peut-être que je trompe, mais j'étais vraiment convaincue que cette chorale dont tu parles, c''est Justin et juste Justin. Se peut ?

William a dit...

Ouep, c'est une one-man choir, mais il y a quelque chose dans le traitement, une profondeur de chant (hoho), qui ne donne pas l'impression d'entendre la même voix doublée, triplée, quadruplée. C'est bizarre. Je crois que c'est une espèce de delay... ça sonne souvent creux, comme s'il chantait du fond d'un puis. J'ai souvent essayé de reproduire ça en enregistrant, et c'est pas évident.

Alexie M a dit...

Il peut pas y'avoir une explication simple, genre sa voix tremblante, un peu trouble, qui tremble et qui se trouble pas toujours au même moment ?
Mais bon jte dis ça en l'écoutant pis je suis moins sûre de mon coup. Uncanny. En plus mon ampli est fini. Tristesse. Amertume. Back vocals gérgoriens. Crotte.