29.5.09

Halo


Puisque c'est une tag-barbelé (ohoh la pognez-vous? cicatrices? barbelés? tag-barbecue? come on) lancée par Bock, voici la tant attendue cicatrice. Et je la redirige vers Maude, tiens.

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On dit souvent dans ma famille que, malgré tous les souvenirs d’enfant qui sont bien les miens et tous les traits qui apparemment me suivent depuis si longtemps, mes parents ont eu deux garçons, ma sœur deux frères : William avant son halo et William après son halo. Diviser mon évolution de la sorte, comme un traumatisme quelconque, en deux ères très distinctes, a l’avantage de créer chez eux une espèce de mythe du renouveau, du recommencement, du genre "I once was lost, but now I'm found. Was blind, but now I see." etc. Mais en fait, il n'y a rien de reborn-chrétien dans ma compréhension des événements - ni vraiment dans l'attitude de mes parents, soit dit en passant. J'ai subi le traitement, fait le point, constater certaines choses et poursuivi l'existence adolescente habituelle, fini mon secondaire, le bal merdeux, l'après-bal merdeux, toute la patente.

Voici l'histoire, pour ceux parmi vous qui ne la connaissiez pas déjà (ceux qui la connaissent peuvent sauter ce paragraphe, le lire en diagonale, s'en crisser). À 5 ans, je suis tombé d'un module de jeu la tête la première. J'ai beaucoup pleuré dans les bras de Sergine, ma gardienne, et je suis rentré chez moi le soir avec une douleur dans le cou. Après une semaine à me voir avec le torticoli, ma mère m'a amené à l'hôpital, où des radiographies ont montré que j'avais la deuxième vertèbre cervicale fracturée. J'ai dû aller à la maternelle environ deux mois en portant un collet cervical, ce qui m'a permis entre autres de m'occuper des poussins de la classe pendant que les amis jouaient dehors (je l'ajoute seulement parce que c'est du capital de cuteness gratuit auprès d'Anne). Les deux mois se sont écoulés, un dernier rendez-vous à Sainte-Justine m'a déclaré complètement rétabli, top shape, attaboy, tiens v'là un bonbon.

~ Fin de la première partie ~

À 15 ans, je me fracture la jambe en jouant au basket dans une cour d'école. On allait toujours à cette école primaire où les paniers était plus bas, alors on pouvait dunker et se prendre pour de jeunes Kobe Bryant, Michael Jordan et qui vous voudrez. On joue à cinq contre cinq, et j'arrive à enlever la balle au monteur: c'est le fast-break, un beau gros dunk m'attend de l'autre côté. Mais je n'ai pas le temps d'effectuer la manoeuvre, pas même le temps d'y penser, j'entame les deux pas pour un lay-up en bonne et due forme et mon pied d'appel, celui avec lequel on saute habituellement, ne quitte pas le sol: la jambe craque et je glisse sur le dos. Au début, tout le monde est crampé sauf moi. Je reste au sol et répétant "ayoye, aouwe, ayoye, aouwe" comme si j'incantais une divinité amérindienne. L'ambulance m'amène à l'hôpital, j'avais un kyste osseux de la grosseur d'une balle de golf dans le tibia, un pouce sous la rotule. C'est le plâtre des orteils à la hanche, yeehaw.

~ Fin de la deuxième partie ~ (pause pipi)

Mais où vais-je donc avec cette histoire de jambe cassée? Voilà: un kyste osseux, normalement, se répare en même temps qu'une fracture, si fracture il y a eu. Chez moi, ça ne se produit pas. La fracture guérit et laisse une espèce de cavité kystique qui nécéssite une intervention à la cortizone pour y générer de la moelle osseuse. Mon orthopédiste a alors le flair, le bon sens, le culot, l'audace (ça change d'une fois à l'autre) de me demander si j'avais déjà subi des traitements sur ma colonne vertébrale, puisque les injections de cortizone se font sous anesthésie et ils doivent le savoir. J'hésite à lui mentionner la fracture de la deuxième cervicale à 5 ans tellement c'est du passé, tellement je n'en ai aucune conséquence à ce moment-là (nommez le sport, je l'ai pratiqué, et avec vigueur et témérité à part ça); mais je lui conte quand même l'histoire. Il prend des radios.

Vers 14h00, on m'appelle à l'école et c'est le doc qui veut me voir en urgence à l'hôpital: la deuxième vertèbre cervicale, après dix ans de ballons de soccer sur la tête, de course, de batailles quelconques, d'intensité de petit gars, de hockey, est encore fracturée. Il me réfère à l'hôpital Sainte-Justine, où me traitera, un gros rire jaune dans la voix tout le long du traitement, le même christie d'orthopédiste qui m'avait déclaré guéri à 5 ans. Ils m'opèrent pour soudre avec des morceaux d'os prélevés sur ma hanche les deux premières vertèbres cervicales. Ça dure 6 heures. Une étudiante fait une thèse à mon sujet. Je porte ensuite un halo pour 3 mois, et un collet cervical pour trois autres mois. L'école à la maison tout ce temps-là.

~ Fin de la troisième partie ~

Bon, il y a tout plein d'implications étranges là-dedans. Je ne pourrai jamais me considérer malchanceux, jamais jamais, de toute ma vie: si ce docteur n'avait pas pensé me poser cette question de routine, et s'il n'avait insisté pour prendre des radios, j'aurais été comme dans un champ de mines, à gambader et à pirouetter en toute insouciance. Je l'ai d'ailleurs été pendant 10 ans. Mais ce que j'en retire principalement, c'est un grand respect pour l'imprévu. Et puis, peut-être que cette cicatrice qui me trace une ligne de 4 pouces en verticale le long de la colonne dans mon cou est un symbole d'un avant-halo et d'un après-halo, d'une évolution. J'y vois certainement quelque chose d'auratique, en tout cas.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Je sais pas quoi dire entre «Shit de criss, man!» ou «ta yeule, ciboire!» et «tant qu'on se fait pas annoncer qu'on est en phase terminale, on fait notre jardin comme la veille».
Et parlez-moi du courage inconscient des héros de guerre.