10.5.09

Les rituels de la vie pandémique


Tu entres dans la pièce, identifies les sources possibles de germes et te promets mentalement – ou verbalement, ça dépend s’il y a des gens dans la pièce, s’ils te voient, et s’ils sont en mesure de différencier ce qui est normalement conçu comme de la maladie mentale de ce qui représente plutôt un petit écart comportemental comme on en fait tous à l’épicerie, en marchant, dans les transports – de ne jamais y crisser le doigt. Tu repères un espace libre et tu entres en poussant la porte avec l’avant-bras, en faisant bien attention pour que le poignet et la main restent intacts; c’est primordial puisque, dans les étapes subséquentes, tu t’apprêteras à te frôler les génitales deux fois plutôt qu’une. Dès que la porte est bien hermétiquement fermée, que le sceau de stérilité est glissé par-dessus les commissures, tu appuies sur la première pédale sous le cabinet à droite, avec le pied droit idéalement – en cas de pas-de-pied-droit ou de pas-de-pieds-tout-court, réfères-toi au Code, T-02, article xxvii : sous-chapitre quatorze, renvoi signifié par petite luette fancy en bas de page, note intitulée « Santé Stérile Marginale Canada » – et tu attends la tonalité non sans te rappeler, comme chaque fois, à quel point elle ressemble à une ritournelle yodlée dans un aquarium vide. Quand la tonalité cesse, c’est que l’espace est stérilisé. Ensuite, lasers obligent, tu enfiles les lunettes de protection qu’on t’aura remises au CLSC-CSSS de ton quartier en t’avisant promptement que toute personne n’ayant pas en tout temps sur soi cette monstrueuse paire de goggles anti-ergonomiques, tout juste à portée de la main en cas de besoin immédiat de santé oculaire, sera punie par des moyens pas encore déterminés par le sous-comité de l’Hygiène et des Services Sanitaires, punie par des moyens politiquement corrects et respectueux de la faune et de la flore certes, mais punie quand même, et par des moyens pas moins calisses pour autant. [...]

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Je prends la peine de pas le lire pour que tu me donnes la totale.