4.4.10

Triomphal


T’aurais dû voir le chien de ma sœur partir en flèche comme un pétard dès les premiers mètres de la piste vers le Tuckerman’s Ravine. C’était tellement débordant de pep que ç’avait quelque chose d’émouvant. On aurait dit un jouet qu’on aurait commencé à crinquer trois jours avant. J’imaginais un enfant extrêmement rapide et agile faire exactement la même chose – c’est-à-dire zigzaguer entre les jambes des skieurs et randonneurs devant nous et disparaître au prochain virage dans une forêt relativement dense d’épinettes et de sapins – et je me disais que cet enfant le ferait probablement en répétant des bruits d’une seule syllabe comme « yip yip yip yip yip yip » ou « woup woup woup woup woup », simulant à voix haute le son d’un moteur extraordinaire dans le phylactère d’une bande dessinée. Tu sais comme quand Tintin tire d’un fusil et tu lis « pan » sauf que dans ta tête tu entends « panne » : voilà un son qui laisse perplexe. Ici, au pied du Mont Washington, à la trailhead du Tuckerman’s Ravine, tu ne lis rien mais l’image laisse perplexe. Ce chien disparaît. Il ne s’arrêtera qu’en même temps que le sentier.


Comme de raison, une heure plus tard, au chalet du pied du bol, là où les centaines de skieurs, surfeurs, randonneurs se rendaient avant de faire une autre queue leu leu vers le ravin, toute la famille était mobilisée pour chercher ce petit bout de labrador enthousiaste qui s’était probablement dit que ses maîtres seraient déjà au sommet. Il faisait 25 degrés, le soleil plombait, tout le monde était en shorts et en bédaine. Joe Blow, ici, se plaint qu'il fume encore. Laisse-moi te dire qu'une journée au sommet, ça te purge, mon homme : la prochaine fois, on te ramène un échantillon de cet air-là en bonbonne. Ma blonde, en plus, elle te grimpe ça comme si c'était les escaliers du balcon de chez des bons amis: toute souriante, belle et nonchalante.


Quand on l’a retrouvé, le chien de ma sœur était en train de suivre des skieurs inconnus dans la portion la plus escarpée du ravin. T’aurais dû voir le pitou, épuisé et effarouché, me reconnaître et se jeter dans mes bras pour me licher le visage. C’était de l’amour triomphal. Un dude
m’a pris en photo au même moment : une espèce d’euphorie captée dans son objectif, j’imagine. Je ne le connaissais pas, il ne m’a même pas salué. Il a reconnu une émotion digne de cette journée – quoi, renversante, magnifique, grandiose – et se l’est appropriée. Je la lui donne.


Calique, t’aurais dû ressentir la joie que j’ai ressenti quand on a retrouvé le chien de ma sœur, parmi les milliers de personnes rassemblées au sommet de la montagne alors qu'il faisait 25 degrés un 3 avril et que le potentiel de joie de vivre était déjà pas mal top notch.

4 commentaires:

Clarence L'inspecteur a dit...

Tu te l'es pas fait gâchée, ta journée top notch, chaque quinze minutes, par quelqu'un qui se retourne vers toi en disant "c'est pas normal, c'te chaleur-là, el climat 'ta l'envers." ?

Fuck.

William a dit...

AHAHAH! Ouin, mais on apprend à ignorer cette voix-là. C'est la même qui nous dit, quand on a l'air d'avoir trop de fun, "Arrête, t'es hystérique, ferme ta bouche, c'tait con c'que tu viens de dire, dans le fond, y'a une personne sur trois ici qui est crissement épaisse, check le cave en bédaine, ostie que j'haïs ça la crème solaire, pas moyen de marcher en ligne droite icitte, l'odeur d'épinettes on l'aime ben quand on a une petite draft mais criffe que ça lève le coeur à longue."

Sans ça, je ne connais pas trop les moyennes de saison, mais ç'a l'air que le congé de Pâques est presque toujours comme ça au Tuckerman's Ravine.

Anonyme a dit...

Ah Will j'adore! Triomphe indeed... Surtout que mardi matin elle entrait chez le vet pour une stérilisation assommante. Elle passe la semaine, abajour au cou, droguée au anti-inflammatoires et anti-douleurs...

On la console en lui disant qu'elle est en hangover du surplus d'oxygene des hauteurs du NH... et que ça a valut la peine...

Jamais trop d'émotions pour cette Kona, faut croire qu'elle est tombée dans la bonne famille !

William a dit...

Pour une fois que Kona est game-"ovaire"... (la pognes-tu?)