26.7.10

Non-Fiction



Je vous jure que ce qui suit est vrai. Je le spécifie pour pas qu'on pense que je fais un sempiternel texte de fiction paranoïaque. Ma (soft-)paranoïa - je ne pourrais pas insister plus là-dessus - est bien réelle.

Avant-hier, en marchant avec Anne, j'ai aperçu de l'autre côté de la rue une fille que je ne connais pas mais que j'ai croisée à plusieurs reprises dans les 7 ou 8 dernières années. J'hésite à la décrire parce que mon esprit paranoïaque me dit qu'elle pourrait bien lire ceci et que ça pourrait bien nous faire tous basculer dans un univers parallèle où elle serait désormais ma blonde, enceinte de mon enfant, et Anne serait la fille et je n'aurais rien publié. Il vaut peut-être mieux s'en tenir à ces quelques faits: elle a les cheveux frisés, des lunettes et elle est petite.

Je fais partie de ces gens qui revisitent régulièrement, dans leur tête, les occasions où une personne a pu leur manifester, de quelque façon, son intérêt. Ce serait narcissique si les occasions étaient nombreuses. Mais je collectionne ces mini-moments comme des diamants parce que je fais aussi partie de ces nombreux gens pour qui ce type d'événement n'est pas arrivé si souvent. Bon, j'invente probablement ces deux catégories de gens, mais ça aide à me sentir normal.

Au cégep, cette même fille frisée était dans un de mes cours et je me souviens qu'elle avait tendance, durant une bonne partie de la session, à me regarder. Du moins, dans la classe, nos regards se croisaient souvent. Elle ne m'attirait pas vraiment, mais j'ai quand même pris soin d'enregistrer les moments et de les mettre dans mon petit sac de diamants. Tsé, on soigne son égo comme on le peut.

Quelques années plus tard, alors que je suis au bacc. à Montréal, j'assiste à un show de musique avec un ami quand une fille, toute petite, aux cheveux frisés se place à côté de moi et me tape le bras pour me demander l'heure. Vous aurez compris qu'il s'agissait alors de la même fille de mon cours de cégep, 2 ou 3 ans plus tôt.

Il existe un certain nombre de facteurs qui font de cette tentative de rapprochement un échec retentissant. D'abord, elle m'a demandé ça en plein milieu d'un solo d'orgue malade (voir la fin du vidéo plus haut), sur une de mes tounes préférées du band qu'on regardait. Ensuite, je n'avais pas de montre. En fait, l'idée de demander l'heure à quelqu'un pour lui signifier de l'intérêt est relativement téméraire, surtout en plein milieu d'une chanson, lors d'un spectacle de musique. En plus de nous renvoyer illico en sixième année du primaire, où des tactiques aussi maladroites étaient seulement justifiable par le fait qu'il s'agissait peut-être de la première personne de l'autre sexe à qui on s'adressait sans que ce soit pour répondre à une question lors d'un défi-mathématique; dans le contexte, sa question était d'une absurdité consternante. C'est comme si on s'était croisés dans une piscine à vagues et qu'elle m'avait demandé l'heure. Ça pourrait difficilement déboucher sur autre chose que: a) "Il est midi moins quart." ou b) "Je le sais pas, je suis dans une piscine à vague.".

La pauvre fille a donc été revirée de bord par votre humble serviteur. Je l'ai revue à l'UQAM quelques fois. Il m'arrive d'y repenser et de trouver ça profondément triste et humiliant comme rencontre échouée. Jusqu'à ce que je la croise à nouveau dans mon quartier, cette semaine. Là, je me suis dit que le hasard ne pouvait pas être si entêté. Elle habite le quartier parce que j'habite le quartier.

Il faut dire que je viens de terminer Gravity's Rainbow, un roman de Thomas Pynchon qui rend la paranoïa contagieuse.

Le fait que je l'ai aperçue ne peut vouloir dire que deux choses: soit elle avait baissé sa garde et je l'ai surprise en un moment d'inattention, alors qu'elle n'était pas affairée à monter un plan d'invasion à domicile, d'enlèvement et de lobotomie; soit elle avait planifié cette apparition et tout ça fait partie dudit plan d'invasion déjà entamé.

7 commentaires:

Clarence L'inspecteur a dit...

tu-du-du-du tu-du-du-du tududu! tududu!

(c'est la toune de JAWS)

Petite frisée a dit...

Bouh. Appelle-moi : 514-728-2012.

William a dit...

Bouh?



Il est midi moins quart.

P'tite frisée a dit...

En passant je mesure 5 pieds 2!!!!

Clarence L'inspecteur a dit...

Hummm... inquiétant?

Mélanie J. a dit...

J'ai lollé.

Clarence L'inspecteur a dit...

MJ elle lolle tout le temps.