14.8.10

Gala Méritas



J’étais dans une cabine de toilette et je cherchais absolument quelque chose à écrire sur le mur de droite. Je ne sais pas exactement pourquoi je voulais tellement vandaliser ce mur, je crois qu’il y a là un peu de ce sentiment que j’ai quand je suis dans l’allée d’une épicerie : l’ordre me dérange. Tu sais comment certaines personnes peuvent faire leurs courses avec tellement de frénésie qu’on croirait qu’ils ont le fantasme de participer à un de ces concours où tu gagnes tous les items que tu auras réussi à jeter dans ton panier à l’intérieur de cinq minutes ? Moi, j’ai plutôt le fantasme d’être un jour dans une épicerie et de faire tomber tous les items rangés sur les tablettes de chaque allée – on pourrait me chronométrer. Ne trouves-tu pas parfaitement jouissive l’idée de détruire les étalages de boîtes de céréales? De pots de condiments? J’ai donc eu la même pulsion destructrice devant le mur immaculé de la cabine de toilette, pendant le gala Méritas. Il me fallait trouver quelque chose de brillant, qui ferait sourire les prochains utilisateurs. J’avoue, par contre, que le gala me rendait passablement nerveux et que la raison numéro 1, la raison physique pour laquelle j’étais dans cette cabine de toilette minait quand même ma concentration. J’avais beau réfléchir aux nombreuses blagues qu’on se fait tout le temps, rien ne me venait à l’esprit. Si Alex avait été là, il aurait pu me souffler quelque chose de bon. J’ai pensé ensuite à ce dessin que je faisais tout le temps d’une espèce de mongol à moustache molle. Après avoir tracé sa silhouette sur le mur, je m’en suis voulu : ça ne voulait rien dire. Puis, quelqu’un est entré dans la salle de bain et j’ai dû me dépêcher parce qu’il n’y avait qu’une seule bolle et je pouvais voir ses pieds – deux gros souliers de monsieur, en cuir brun – placés devant la porte. L’homme attendait que je sorte. J’ai fini alors d’écrire un truc en essayant de feindre une quinte de toux pour cacher le son du crayon feutre sur la surface lisse du mur. Ensuite, j’ai terminé ma besogne, je me suis levé, j’ai tiré la chasse et j’ai ouvert la porte pour me rendre compte que les gros souliers bruns appartenaient à Frédéric, notre prof d’anglais. Je lui ai fait un sourire qui me paraissait convenable pour la situation, mais lui, il ne s’est pas contenté de ça. Il m’a demandé si j’allais bien et il voulait connaître mes plans pour l’été. Je lui ai répondu à travers les panneaux de la cabine, alors qu’il s’installait sur la bolle. J’avais fini de me sécher les mains et je m’apprêtais à quitter la salle de bain quand je l’ai entendu m’appeler :
– Euh, Guillaume?
– Oui?
– Tu t’es trompé dans l’ordre.
– Qu’est-ce que tu veux dire?
– L’ordre des noms. C’est « Guillaume Loves Laura » que tu voulais écrire, mais t’as écrit « Laura Loves Guillaume ».
Je lui ai dit que je ne savais pas de quoi il parlait. Il n’a pas répondu. Ça doit être la chose la plus conne du monde ! J’ai comme décidé que tu m’aimais, dans la cabine d’une toilette de l’école.

4 commentaires:

Clarence L'inspecteur a dit...

William, il n'y en a pas deux comme toi pour décrire une certaine psychée adolescente oscillant entre des réflexions matures et des fantasmes d'enfant. J'aime ça, c'est comme une espèce de nostalgie, mais une nostalgie d'un point de vue critique (pas ironique).

Mélanie J. a dit...

Je trouve que tu devrais juste dire « pendant le gala des Méritas » une seule fois, à la fin. Bon... j'ai des drôles de punch, mais je trouve que c'en est un nice. J'ai sûrement PAS RAP.

William a dit...

Clarence: Merci mon homme, c'est en fait un extrait de quelque chose d'un peu plus gros, je t'en reparle. Le rêve que j'ai posté l'autre jour en fait aussi partie.

MJ: Merci pour ce commentaire! Je suis d'accord. T'as pas pas rapport. La preuve, c'est que je viens d'enlever le dernier "pendant le gala Méritas" et ça marche!

Clarence L'inspecteur a dit...

Moi, j'aimais mieux l'autre version. Une phrase finale avec deux subordonnées, c'est toujours gagnant.