7.9.11

Auto-promotion : 24 Images, no 153, automne 2011.



Pour le dossier ''Des villes et des hommes'', j'ai eu carte blanche de la rédaction de 24 Images et j'ai choisi de réfléchir au rapport qu'entretient le mouvement mumblecore à la ville et au chaos urbain. En partant de l'analyse de deux films - The Exploding Girl (Bradley Rust Gray, 2009) et The Pleasure of Being Robbed (Joshua Safdie, 2008), je montre comment à travers un hyperréalisme troublant on peut tester et étirer les limites de la fiction. Si le mouvement est né en réaction à un cinéma commercial et se construit physiquement à travers un réseau de production et de diffusion essentiellement urbains, le mumblecore engage également une certaine vision d’un territoire, qui rend possible une structure particulière de récits.

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Dans un article sur la montée aux États-Unis de ce qu’il nomme le « néo-néoréalisme », le critique A. O. Scott affirme qu’une nouvelle forme de beauté, plus austère, émane des films en temps de crise. La fiction que présentent des films comme Wendy and Lucy, Old Joy ou Blue Valentine colle à un réel sans fantaisie parfois difficilement soutenable à l’écran. Scott écrira que la vie ordinaire présentée platement demeure un sujet négligé puisque, en dépit de l'abondance de films américains cherchant à dépeindre des facettes du pays, la plus grande part de la vie américaine reste hors de l'écran(1). Si la ville n’a rien de mythique ou de magique dans le mumblecore, c’est pourtant par elle que s’articule ce rapport au réel présenté sans pathos et sans excès, où de jeunes adultes errent sur les toits, conduisent leur voiture en écoutant du jazz ou mangent de la pizza en silence. Dans ces films lents, la ville impose un rythme aux corps à l’écran, c’est elle qui mène la danse : elle devient « something to act with » comme le soulignait en entrevue Bradley Rust Gray(2). La beauté se construit ainsi dans la portée intimiste de l’image, par la lenteur des gestes et le murmure des mots.

(1) A. O. Scott, « Neo-Neo Realism : American Directors Make Clear-Eyed Movies for Hard Times », The New York Times, 22 mars 2009. p. 38.
(2) D. Lim, « Independently Intimate Directors », The New York Times, Movies, 15 avril 2009, p. 16

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