17.7.11

Manuel à l'usage des amis - 1


Les amis vont parfois chercher qqn à l'aéroport. Dans de telles circonstances, à la maison, avant même de partir, il est convenable de dégager le plus possible l'habitacle et le compartiment arrière de la voiture. En plus d'être relativement dangereux, les objets trop encombrants pourraient nuire aux amis, voire les amener à considérer la durée du transport en voiture comme faisant encore partie du voyage et non comme étant un préambule à l'arrivée tant attendue à leur chez soi.

Il est préférable de s'habiller de manière à ce que le regard des autres soit naturellement porté vers soi. Un bon truc serait de choisir des morceaux de couleurs vives et contrastantes. Nous préconiserons le port du chapeau, pcq'il est dit que dans un groupe de dix hommes d'apparences semblables, ceux portant un chapeau se font remarquer plus rapidement.

Les aéroports sont de gigantesques vortex d'émotions contradictoires: joie de retrouvailles, déchirement de séparations, tristesse d'arrivée, nervosité de départ, fond de mélancolie refoulée sous une couche d'aplomb orgueilleux à l'idée de devoir

a) retrouver sa voiture dans le Park'n'fly via une navette dont le trajet ne prévoit aucun autre arrêt;
b) attendre un taxi en espérant ne pas avoir à en partager la banquette arrière avec un semblable refouleur mélancolique;
c) attendre l'autobus spécialement prévu par l'agence de transport desservant la région métropolitaine de l'aéroport,

fonds de gêne et de malaise récupérés en sourires crispés devant la surabondance de proches et d'amis venus assister à l'arrivée, assurance et gestes autoritaires à la conjointe trahissant le couple de voyageurs aigris dont la plupart des amis n'étaient pas disponibles pour venir les chercher, confusion langagière, babil incessant, perte de repères, panique totale, routine professionnelle. Les amis chargés d'accueillir leurs amis à l'aéroport devront savoir reconnaître ces émotions, ils devront se les approprier, s'en imprégner. Les amis devront vivre au pouls de l'aéroport.

Il est idéal pour les amis de se coiffer de la même façon que lors de la dernière rencontre avec l'ami. À défaut de condition capillaire permettant un tel procédé, nous privilégierons de nouveau le chapeau, qui aura l'avantage de diminuer les chances de l'ami de ne pas être reconnu et l'inconvénient de représenter possiblement un certain choc lors de la révélation du changement capillaire, choc qui certes ne viendra pas sans son lot d'explications plus ou moins intéressantes au sujet des choix capillaires de l'ami. Les amis voudront éviter le plus possible toute situation nécessitant un lot quelconque d'explications.

En plus des vêtements voyants, il est utile de se placer près de gens arborant des signes distinctifs qui sauront sans doute attirer le regard de l'ami. Un homme possédant des cheveux dits "fous" serait tout désigné. Par contre, il est déconseillé de se tenir trop près de ces gens. Un surplus de proximité occasionnerait un effet contraire, c-à-d que le regard de l'ami serait soit trop obnubilé par la présence dérangeante qu'il ne remarquerait rien aux alentours ou trop horrifié par ce bruit esthétique qu'il détournerait aussitôt son regard laissant du coup l'ami dans le brouillard de l'excentricité. Nous suggérons une distance d'environ deux mètres, ce qui semble amplement suffisant pour

1. attirer le regard de l'ami et,
2. au moment opportun, poser un geste clair de salutation.

À ce titre, nous privilégierons le signe de la main, accompagné, possiblement, d'un léger cri donnant le prénom de l'ami. Si l'utilisation du chapeau aurait l'avantage de rendre la manoeuvre plus visible, elle aurait aussi l'inconvénient d'exposer le changement de coiffure qui serait peut-être à l'origine même du port du chapeau. Les aéroports sont des lieux où naissent des paradoxes.

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